Immigration et intégration (Secteur)

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Le secteur communautaire de l'immigration et de l'intégration au Québec est principalement porté par la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI). La TCRI regroupe 140 organismes communautaires à travers le Québec dédiés à la défense des droits et à l'intégration des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut.

Partie intégrante de l'action communautaire automne, la TCRI est le plus important joueur non-gouvernemental au Québec en ce qui concerne l'intégration et l'offre de services à l'ensemble des nouveaux arrivants au Québec. Chaque année, quelques 60 000 immigrants et réfugiés bénéficient du soutien et de l’accompagnement des organismes du réseau de la TCRI à Montréal et dans la plupart des régions du Québec.

Comme acteur social de longue date dans le domaine de l'action communautaire autonome et comme agent de transformation sociale, le réseau des organismes de la TCRI se démarque par ses pratiques interculturelles et son leadership dans les stratégies d'intégration des nouveaux arrivants au Québec.

Il agit à travers différents volets spécifiques: employabilité, régionalisation, francisation, jeunes, femmes, protection des réfugiés, réfugiés référés par les Nations Unies pour réinstallation au Québec, parrainage collectif des réfugiés.

Historique:

L’histoire de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) est étroitement liée à celle des conflits internationaux et à l’évolution du partage des responsabilités en matière d’immigration entre les gouvernements fédéral et provincial. Elle est aussi liée aux rapports de forces et aux enjeux qui ont modelés l’opinion publique et influencés l’action gouvernementale vis-à-vis des personnes réfugiées et immigrantes ainsi qu’à la dynamique des relations entre le mouvement communautaire et l’État. L’histoire de la TCRI est également celle de l’engagement d’une multitude de personnes impliquées dans la lutte toujours plus difficile pour la protection des droits des réfugiés et des immigrants, pour le support à leur établissement et intégration à la société d’accueil de manière à ce qu’ils puissent exprimer eux-mêmes leurs besoins avec une chance d’être entendus. C’est l’histoire d’un regroupement qui s’efforce de ne pas perdre le cap qu’il s’est donné il y a 37 ans : la défense du droit des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut à une citoyenneté pleine et entière au sein de la société québécoise.

1979 : Des boat people à la Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés (TCMR)

En 1979, les médias nous alertent sur la situation des boat people du Sud-Est asiatique qui fuient leur pays sur des bateaux et se font attaquer en haute mer par des pirates alors qu’ils cherchent asile dans les pays voisins. On assiste alors à un des moments les plus positifs jamais connus au Québec et au Canada en matière de solidarité envers des peuples en quête de terre d’accueil. En effet, un véritable mouvement de masse de solidarité et de générosité de tous les secteurs de la société s’était mis en place pour parrainer et accueillir ces personnes à la recherche d’une terre d’accueil. La conjoncture est favorable à l’ouverture à l’accueil des réfugiés du Sud-Est asiatique et à l’implication de la société canadienne et plus particulièrement la société québécoise face à cette crise (contexte de guerre froide). Les médias donnent une image très favorable de ces personnes fuyant les pays « communistes ». La loi fédérale adoptée en 1976 et entrée en vigueur en 1978 ouvre la porte aux parrainages collectifs et l’implication de la société civile. Dans le même sens, l’entente Cullen-Couture permet un programme de parrainage collectif spécifique au Québec.[1] De 1979 à 1981, près de 60 000 réfugiés en provenance principalement du Vietnam seront accueillis au Canada, dont 13 000 au Québec.

L’organisation de l’accueil des boat people relève du casse-tête et différents organismes communautaires, religieux, syndicaux et publics qui y contribuent ressentent le besoin de se réunir afin de partager leurs efforts, leurs pratiques et leurs missions respectives vers un objectif commun. Une première réunion portant sur le ré-établissement des boat people du Sud-Est asiatique est organisée l’été 1979. Cette rencontre rassemble autour d’une même table : des personnes arrivées comme réfugiées dans les années 70, qui ont vécu la persécution et l’exil (provenant du Chili, d’Amérique centrale, d’Europe de l’Est et d’Haïti), des groupes[2] dont la plupart ont été créés par des organismes religieux.

Très vite, les participants trouvent l’expérience si positive qu’ils décident de continuer à travailler ensemble pour défendre le droit des réfugiés, d’où qu’ils soient, à une terre d’asile et de collaborer avec des alliés à l’échelle canadienne. Une alliance est nouée avec ce qui deviendra par la suite le Conseil canadien pour les Réfugiés (CCR). En janvier 1980, le nom de Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés (TCMR) est adopté.

Politiques fédérales et provinciales en matière d’immigration. Dates clés.

1952

Adoption de la version révisée de la Loi sur l'immigration qui permet au Canada un favoritisme centré sur l’Europe. Le pouvoir discrétionnaire des agents d'immigration d'exclure les «indésirables » de façon arbitraire perdure.

1956-57

La révolution hongroise entraîne la création d'un programme spécial pour accueillir les réfugiés en provenance de ce pays. Le ministre de l'Immigration Jack Pickersgill annonce que le Canada fournira le passage gratuit à ces réfugiés qui ont tenté de se soulever contre le contrôle soviétique. C’est ainsi que plusieurs des 37 000 Hongrois exilés sont passés par le Quai 21.

1962

Le premier janvier 1962, le gouvernement passe de nouvelles lois pour «éliminer toute discrimination due à la couleur, à la race ou aux croyances » et pour contrebalancer « l’exode des cerveaux », soit l'immigration massive des professionnels et des travailleurs spécialisés vers les États-Unis durant les années 1950 et au début des années 1960.

1967

Le ministère fédéral de la Main-d'œuvre et de l'Immigration est créé.

Le premier octobre 1967, les nouvelles règles d'immigration introduisent le système canadien de pointage pour la sélection des immigrants. Celui-ci, développé de 1966 à 1967, évalue les immigrants potentiels en fonction de leur éducation, de leurs aptitudes et de leur connaissance de l'anglais et du français, plutôt que de leur « race ». La tendance s'inverse et les immigrants en provenance de l’Asie sont dorénavant plus nombreux que les Européens.

Le 13 novembre 1967, une Commission d'appel de l'immigration indépendante est créée pour donner aux immigrants dont on ordonne la déportation un droit d'appel contre la décision.

1968

Le Québec crée son propre ministère de l'immigration dans le but de recruter davantage d’immigrants français ou francophones.

Le Canada accueille 11 000 réfugiés provenant du régime communiste de la Tchécoslovaquie.

1969

Le Canada signe la Convention de Genève relative au statut de réfugié, formalisée en 1951 pour leur garantir une meilleure protection.

1971

Le Canada annonce sa politique officielle sur le multiculturalisme dans un cadre de bilinguisme.

Premier accord Canada-Québec (Lang-Cloutier). Le Québec peut être représenté dans les ambassades canadiennes et peut faire du counselling à l’étranger.

1975

L’entente Andras-Bienvenue donne au Québec un rôle dans la sélection : le Québec peut faire des entrevues et des recommandations aux agents de visa.

1978

L’entente Cullen-Couture donne une voix au Québec en matière de sélection à l’étranger : le Québec peut définir ses propres critères.

1991

L’accord McDougall-Gagnon Tremblay - Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains - s’appuie sur les engagements précédents et donne pour la première fois au Québec un rôle en matière de sélection sur place et la maitrise d’œuvre de l’intégration et de la francisation des nouveaux arrivants.

1981 – Début de la lutte pour le droit d’asile et incorporation de la TCMR

La décision de se regrouper permettra aux membres impliqués de répondre aux nouvelles situations et aux nouveaux défis qui se présentent très rapidement. En effet, les événements se précipitent sur la scène internationale et de nouveaux groupes cherchent une terre d’accueil. Des Européens de l’Est, des Sri Lankais, des Afghans, des Salvadoriens, des Guatémaltèques et des Haïtiens se trouvent confrontés à un processus de demande d’asile lourd et inefficace.

Dès le printemps 1981, plusieurs avocats et conseillers en immigration manifestent leur inquiétude quant au nombre élevé de refus au niveau du Comité Consultatif sur le statut de réfugié (CCSR). En effet, des retards commencent à se créer et de trop nombreuses demandes d’asile sont rejetées. Cette tendance inquiétante fera l’objet de débats dans le cadre du colloque organisé par le Centre des Services Sociaux du Montréal Métropolitain le 10 mai 1981.

En septembre 1981, un important groupe d’Indiens Sikhs arrivent à Toronto et demandent l’asile politique en vertu de la Convention de Genève. Quelques semaines plus tard, le ministre de l’Emploi et de l’Immigration fédéral, M. Axworthy annonce la décision de son ministère d’établir des contrôles plus stricts car «too many refugees are abusing Canada’s immigration policies and coming to this country to escape economic problems rather than political repression ».[3] L’euphorie, la solidarité et la générosité suscitées en 1979 par les boat people du Sud-Est asiatiques se sont estompées dans un contexte nettement moins favorable à l’arrivée des nouvelles vagues de réfugiés. Le 15 octobre 1981, M. Axworthy et son collègue M. McGuigan, ministre des Affaires extérieures, imposent un visa d’entrée à tous les visiteurs venant de l’Inde. Par la suite, de tels visas seront exigés des principaux pays « producteurs » de réfugiés (Chili, Haïti, Salvador, Bengladesh, Sri-Lanka, etc.).

Commence alors une période intense de travail, de formation de coalitions et de plaidoyers pour changer le système canadien de détermination du statut de réfugié, en lien avec les organisations des autres provinces canadiennes avec lesquelles la TCMR partage objectifs et lecture de la conjoncture. Au niveau du Québec, un grand nombre d’organismes œuvrant auprès des personnes réfugiées, notamment ceux en attente de la détermination de leur statut se mobilisent. Cette mobilisation aboutit à la tenue d’un colloque en novembre 1981, d’où naitra un groupe de pression : le Comité SOS-Réfugiés. En décembre 1981, le Comité permanent des organismes canadiens au service des réfugiés, une instance de concertation pancanadienne comprenant des représentants de plusieurs organismes du Canada œuvrant auprès des personnes réfugiées, interpelle plusieurs responsables du gouvernement canadien sur les politiques d’accueil des demandeurs d’asile. La confiance réciproque qui s’est forgée au fil des rencontres entre les membres de la TCMR et les organisations du ROC leur permet de rester solidaires dans la tourmente. La collaboration et les liens d’amitié qui se sont noués à l’époque demeurent encore et s’étendent désormais à une nouvelle génération d’organismes, d’activistes et d’universitaires, qui luttent pour les droits des réfugiés, dans le contexte plus large du respect des droits humains.

À cette époque, la TCMR rédige des mémoires, organise des rencontres, des conférences et des événements spéciaux, dont la permanence est assurée par une secrétaire à temps partiel payée grâce au soutien de l’Archevêché de Montréal et à une petite subvention provenant du gouvernement fédéral. Les nombreux bénévoles impliqués ne ménagent pas leur peine. En 1981, les membres de la TCMR ressentent le besoin de s’incorporer. Le ministère de l’Immigration du Québec de lépoque, que ce changement inquiète, propose à la TCMR de mettre à son service une employée du ministère pour du support administratif, à la condition qu’elle renonce à son incorporation. La TCMR rejette cette proposition et s’incorpore en 1981.

1982 – Le gouvernement fédéral coupe les vivres aux demandeurs d’asile, la lutte se durcit.

Le 21 octobre 1982 marque le début d’une crise sans précédent. Sans préavis et de façon unilatérale, le gouvernement fédéral met fin à toute assistance financière aux personnes en processus de demande d’asile au Québec. Notons que cette assistance n’existait qu’au Québec. Ces personnes se retrouvent donc du jour au lendemain sans ressource. En vue de trouver une solution à la situation de plus en plus intenable pour les personnes en attente du statut de réfugiés, un appel sera lancé au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et au Conseil Œcuménique qui siègent à Genève. Le 16 février 1983, plus de 500 réfugiés en attente de statut ont l’occasion d’exprimer leurs doléances et leurs attentes au représentant du HCR, M. Braun, à Montréal. Les résultats sont décevants. Le HCR explique qu’il ne peut rien faire pour eux, le Canada étant souverain et les personnes concernées n’étant pas des réfugiés au sens de la Convention mais des demandeurs d’asile sans statut. 

Des milliers de personnes dépendent désormais de la charité publique et les organismes s’efforcent d’offrir des services concrets de survivance aux réfugiés. À cette époque, les organismes voient leurs rôles profondément changés, ils sont contraints d’assumer des tâches de dépannage financier, sans en avoir vraiment les moyens et dans un contexte continuellement piégé par la propagande négative des deux paliers de gouvernement. Force est de constater que la générosité populaire en période de crise a des limites et qu’il devient difficile de ramasser l’argent nécessaire pour dépanner les réfugiés individuellement. Un centre d’hébergement d’urgence pour les réfugiés est ouvert le 11 avril 1983, sous la responsabilité de l’Archevêché de Montréal impliqué dès le début de la lutte en qualité de membre de la TCMR. L’Abri des Réfugiés est un projet collectif des membres de la TCMR. Le gîte peut ainsi être offert à une centaine de réfugiés mais 1000 autres sont dans la même situation, dont 500 sont des usagers du Centre de Services sociaux du Montréal Métropolitain (CSSMM).

Lors d’une conférence de presse, le directeur général du CSSMM expose la position officielle de son établissement et les mesures d’urgence prises, fustige le gouvernement fédéral et demande au Ministère des Affaires sociales (MAS) du Québec la mise sur pied d’un « fonds de dépannage pour l’assistance immédiate et le soulagement à court terme de la détresse vécue par les réfugiés ». Le gouvernement fédéral réagit en expliquant qu’un retour à la situation initiale est exclu dans la mesure où les fonds pour une allocation directe aux demandeurs d’asile ne sont plus disponibles. Deux propositions sont faites. La première est  une invitation faite à la TCMR à déposer des projets de création d’emplois temporaires accessibles aux réfugiés en demande de statut dans le cadre de l’Abri des réfugiés (4 projets). Les projets octroyés à la TCMR permettront d’offrir des emplois directs à 40 réfugiés. En revanche, ils ne permettront pas la recherche de solutions adéquates aux problèmes de survie des milliers d’autres demandeurs d’asile complètement démunis. La seconde proposition est une contribution au fonds d’urgence mis sur pied par la Coalition qui dans les faits durera seulement trois semaines !

En septembre 1983, une série de rencontres entre les réfugiés et les intervenants des organismes d’aide permettent d’amorcer une nouvelle dynamique, plus interactive et plus stimulante, car les réfugiés se perçoivent davantage comme des acteurs plutôt que comme des consommateurs de services. Les réfugiés se donnent des organisations et des moyens d’action autonomes tout en accentuant la solidarité et l’unité des différents groupes. Lors de l’assemblée des membres de la TCMR tenue en septembre, 15 représentants dûment mandatés par des demandeurs d’asile participent aux discussions et aux délibérations.

Le bras de fer avec les deux paliers de gouvernement continue ainsi de mois en mois. La TCMR travaille inlassablement à convaincre le gouvernement du Québec d’apporter de l’aide aux demandeurs d’asile qui n’ont accès à aucun service, et dont le gouvernement fédéral ne veut rien savoir. Le gouvernement du Québec oscille entre le désir de faire mieux que le Fédéral dans l’accueil des réfugiés en attente de statut (accès à l’aide médicale, dépannage du MAS) et une approche aussi bureaucratique et restrictive que celle d’Ottawa. Cela se traduit par une attitude défensive et dénigrante, en  imposant un certificat de sélection du Québec comme préalable à l’aide sociale.

Cependant, avec l’appui de nombreux alliés et l’écoute du ministre de l’Immigration Gérald Godin, sympathique à la cause, le Québec offre une assistance aux réfugiés en demande de statut à partir de 1984. Les réfugiés bénéficient de l’aide sociale, de mesures d’employabilité, de la carte d’assurance maladie et de l’accès à la francisation. À ce jour, la lutte continue car seul l’accès à l’aide sociale et partiellement à la francisation ont été maintenus.

1990-1991 : L’émergence d’une vision de l’immigration et de l’intégration propre au Québec ou l’utopie de l’accessibilité des services main-stream  

Certains organismes offrant des services d’accueil et d’établissement aux nouveaux arrivants reçoivent un financement du gouvernement fédéral et se réunissent périodiquement pour échanger sur des questions d’intérêt commun. Quelques-uns de ces organismes sont membres de la TCMR et à quelques exceptions près, ils sont montréalais. Chaque année, ils participent à une consultation gouvernementale fédérale sur les niveaux d’immigration et les besoins en services pour les immigrants. Cependant, la façon de travailler de chaque organisme n’est pas remise en question par Immigration et Citoyenneté Canada, les approches de chacun étant respectées.

À cette époque, des rencontres des organismes actifs dans les services aux nouveaux arrivants, sont organisées sous l’égide du programme fédéral d’accueil et d’établissement. Un consensus se dégage peu à peu autour du projet de se doter de formations pour se donner les moyens d’une plus grande cohérence dans les approches d’intervention. Ainsi, à la demande des organismes de première ligne, la TCMR se dote en 1990 d’un programme de formation continue pour les intervenants communautaires qui contribue encore aujourd’hui à sa renommée. Le Fédéral octroie alors à la TCMR un modeste financement pendant quelques années pour lui permettre de donner de la formation à tous les intervenants du secteur. Le gouvernement du Québec considère pour sa part que l’intégration des personnes réfugiées et immigrantes est sa responsabilité exclusive, que les organismes communautaires n’ont pas de rôle à jouer à cet égard. Il craint par ailleurs une ghettoïsation si des immigrants intègrent des immigrants. Il ne voit donc pas l’intérêt d’un tel investissement. Les formations, véritables espaces de dialogue et d’échange entre les membres, vont devenir un lieu d’émergence de savoirs sur les approches et les pratiques communautaires, des incubateurs de pratiques novatrices qui constituent des alternatives aux pratiques gouvernementales. Notons que lors du transfert des responsabilités d’immigration du fédéral au provincial en 1991, le ministère de l’immigration du Québec accepta de financer le programme de la formation.

En décembre 1990, sur la base d’un très large consensus l’ensemble des partis politiques, adopte l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration : Au Québec - Pour bâtir ensemble,[4] posant ainsi les principes fondateurs des politiques publiques du Québec quant aux stratégies d’intégration des nouveaux arrivants. Cette approche privilégiée par le gouvernement québécois et mise de l’avant en 1990 est distincte du reste du Canada. Face à la politique canadienne du multiculturalisme, inadaptée aux aspirations de la société québécoise, le Québec souhaite se démarquer en prônant le modèle de l’interculturalisme. Le principe en est simple : le nouvel immigrant est invité par le biais d’un contrat moral à prendre part et à s’intégrer dans un cadre sociétal prédéfini, caractérisé par une langue commune, des valeurs établies et un bagage historique propre au Québec. Les éléments essentiels de ce que l’on qualifie d’interculturalisme sont la bidirectionnalité (qui engage réciproquement autant la personne immigrante que la société d’accueil) et l’interaction (qui assure un espace de dialogue, d’échange et de rencontre entre le nouvel arrivant et la société d’accueil). 

Avec la signature de l’Accord Québec-Canada sur l’immigration[5] en 1991, déléguant au gouvernement du Québec la maitrise d’œuvre exclusive (sans obligation de reddition de comptes au Fédéral) de ses politiques d’immigration en matière de sélection et d’intégration, une nouvelle page de l’histoire de la TCMR débute. Le gouvernement canadien assure pour sa part l’intégrité des procédures relatives au statut de réfugié et à la citoyenneté. L’exécution de la loi, soit le fardeau du contrôle des frontières, celui de la détention ou de la déportation des personnes en situation irrégulière, reste donc de juridiction fédérale. Par cet Accord, le Québec dispose d’importants moyens financiers[6] récurrents indexés qui sont garantis à très long terme par le gouvernement fédéral. Force est de constater, qu’année après année, les dépenses en matière d’intégration et de francisation destinées aux nouveaux arrivants sont inférieures aux sommes transférées par le fédéral et n’affecte en rien le trésor public québécois.

La présentation en décembre 1991 du nouveau dispositif d’aide financière du ministère de l’Immigration du Québec crée un choc dans les organismes. La nouvelle vision de l’établissement des immigrants qui transparait dans ce document apparait déconnectée de la réalité. Les organismes y sont considérés comme des exécutants qu’il est inutile de consulter et à qui le gouvernement peut « passer des commandes ». Cette crise facilitera finalement la mobilisation des membres de la TCMR. La réponse des organismes ne se fait pas attendre. Le mémoire publié par la TCMR en janvier 1992 en est un témoignage éloquent. La lettre couverture signée par les directeurs de tous les organismes membres en fait une prise de position collective très puissante qui marque un tournant important pour la consolidation de la TCMR. Dans ce mémoire, la TCMR fait part de son appréhension du fait que « la philosophie de l’intégration, qui se dessine au travers de ces nouveaux programmes de subvention aux organismes communautaires, paraît être plus une philosophie de l’assimilation voilée qu’une philosophie de l’adaptation mutuelle », contrairement à la vision de l’intégration contenue dans l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration de 1990 qui faisait pourtant consensus. Il dénonce le fait que le besoin des nouveaux arrivants d’être accompagnés dans leur adaptation n’est pas pris en compte et alerte le gouvernement sur le fait que « le contexte social institutionnalisé qui risque d’être instauré avec ces nouveaux programmes d’aide financière sera de nature à engendrer ces conditions de marginalisation, d’isolement et fatalement de rejet par rapport à la société québécoise justement à cause des efforts moins grands réservés à l’adaptation ».

La nouvelle vision de l’intégration prônée par le gouvernement exclue les organismes communautaires comme acteur du terrain; l’État québécois et ses institutions prennent dorénavant tout en charge : les services d’accueil, d’emploi, de francisation ainsi que la gestion de l’accueil et de l’intégration des immigrants et des réfugiés. L’idée du gouvernement étant que ce sont maintenant les services publics (COFI, CLSC, écoles, commissions scolaires, centres d’emploi, DPJ, Régie des rentes, Régie du logement, etc...) qui assumeront le mandat et la responsabilité de desservir les nouveaux arrivants. Sur le principe, la reconnaissance par l’État de sa responsabilité est une excellente chose. Mais on constate rapidement que ce changement se fait au détriment des personnes réfugiées et immigrantes. En effet, il devient rapidement évident que les institutions ne sont pas préparées à faire ce travail (problème de langue, d’adaptation des services, d’accessibilité, de connaissance des processus d’immigration, de cohérence interministérielle, de préjugés et de discrimination, etc.). D’autant plus que les services publics n’ont pas été informés par le ministère de l’Immigration qu’ils allaient du jour au lendemain avoir l’entière responsabilité des nouveaux arrivants. Incrédules, les CLSC se sont mis à référer ces personnes aux organismes d’accueil, pour leur demander ce qui arrivait et apprendre les tenants et les aboutissant des nouvelles directives du ministère. C’était le chaos!

En même temps, le Québec a maintenu deux petits programmes de subvention (PAEI et PSIE)[7] qui permettent aux organismes communautaires d’offrir certains services d’accueil, d’intégration et d’employabilité pendant les 12 premiers mois de résidence des nouveaux arrivants, l’immigrant considéré comme « bien informé » perd son droit d’accès aux services après ce délai. Dans ce cadre, les règles de la reddition de comptes changent. Lorsque le financement provenait directement du Fédéral, le gouvernement évaluait l’éligibilité des organismes puis leur faisait confiance quant aux façons de faire, la reddition consistant à apporter des preuves des dépenses pour la partie des activités financées. Le ministère de l’immigration provincial, exige pour sa part des statistiques qui représentent une bureaucratisation très lourde pour les organismes.

À cette époque, le ministère de l’immigration provincial ne reconnait pas les organismes communautaires autonomes d’accueil, ne comprend pas la pertinence d’avoir des organismes dédiés aux nouveaux arrivants, comme il ne comprend pas non plus la nécessité de préparer et d’adapter les pratiques des organisations tant institutionnelles que communautaires pour qu’elles deviennent réellement accessibles aux personnes immigrantes et réfugiées. Bien sûr, le fait que le mandat des organismes communautaires autonomes dépasse de loin celui que le ministère entend leur concéder n’est pas compris non plus.

Par la force des choses, la TCMR porte un regard très critique sur l’action de l’État en matière d’immigration et est perçue comme un groupe « qui dérange »; elle n’est appréciée ni par le Fédéral, ni par le Québec mais s’efforce tant bien que mal de soutenir ses membres – on parle toujours d’un contexte montréalais. En même temps la TCMR, consciente que le manque d’accès et l’inadéquation des services publics aux réalités des immigrants et des réfugiés menacent de façon inacceptable leurs droits, prend le virage « services » pour les nouveaux arrivants, sans toutefois délaisser sa mission de protection des réfugiés.

Durant les années 90, le rapport de force entre le gouvernement du Québec et les organismes de la TCMR reste à la fois très inégalitaire et excessivement paternaliste. Les organismes mono-ethniques sont, du jour au lendemain, jugés suspects. Le gouvernement va jusqu’à demander à certains organismes offrant des services d’intégration aux nouveaux arrivants de se conformer à sa vision de l’établissement des immigrants, imposant un changement radical de leurs approches et de leurs façons de travailler. Le gouvernement souhaite ainsi se démarquer du modèle mutlticulturaliste canadien. C’est à cette époque par exemple que le CLAM (Centre Latino-américain de Montréal) devient le CLAM (Carrefour de Liaison et d’Aide Multiethnique) et que le Centre Portugais devient le Centre d’action sociocommunautaire de Montréal pour éviter de se faire couper son financement. On scrute la composition ethnique des conseils d’administration comme critère d’accès au financement. Certains perçoivent les organismes communautaires du secteur de l’immigration comme des ghettos ethniques, faisant obstruction à l’intégration des nouveaux arrivants.

La TCMR s’impose en intensifiant les échanges et les démarches avec les fonctionnaires, partis d’opposition, ministres et gouvernements, sur l’accueil, l’intégration et la francisation des nouveaux arrivants au Québec. Il faut beaucoup de courage aux organismes de la TCMR pour ne pas déroger de leurs principes malgré les menaces de coupures de leurs subventions[8] et malgré les tentatives pour diviser les organismes. Paradoxalement, cette crise vaudra à la TCMR et à ses membres le respect de ceux-là même qui voulaient les contraindre. En effet, quand il devient clair que la TCMR ne rentrera pas dans le rang, qu’elle a sa propre vision, son savoir-faire et son expertise, que les organismes entendent être respectés comme organisations communautaires, que le gouvernement ne définira pas leur mission, que les organismes n’accepteront jamais d’être de simples passerelles entre les immigrants et la société d’accueil, qu’elle entend être partie intégrante de la société québécoise et contribuer à la transformer, la TCMR devient très populaire dans certains milieux gouvernementaux et institutionnels.

Malgré cette conjoncture de politique hostile à l’action communautaire du secteur de l’immigration et de l’intégration, la TCMR adopte deux positionnements stratégiques qui changeront le cours des choses :

  • Le rattachement au réseau de l’action communautaire autonome qui dès 1995 a permis à la TCMR d’être partie prenante des mobilisations et des négociations qui ont conduit à l’adoption de la politique gouvernementale de l’action communautaire.[9]
  • La création de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) en juin 1999, comme regroupement national suite à l’adhésion des organismes d’accueil et d’intégration de l’extérieur de Montréal permettant au regroupement de dépasser le cap d’une centaine d’organismes membres. La volonté de régionalisation de l’immigration a débuté vers 1993. Le provincial a par la suite approché des organismes communautaires locaux en région pour leur proposer d’accueillir des personnes réfugiées. Ces organismes, isolés les uns des autres, réinventaient la roue chacun de leur côté. La TCRI les a interpellés en les informant de l’existence du réseau auquel ils ont décidé de se joindre.

En 1999, l’ultime tentative du ministre de l’Immigration de l’époque pour freiner l’expansion et le succès de la TCRI – le ministre  envoyant une lettre pour demander la dissolution de la TCRI – cimente à jamais les organismes du secteur de l’immigration et de l’intégration au sein de leur regroupement.  

De 2000 à nos jours

L’adoption en 2001 de la politique gouvernementale de l’action communautaire L’action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec[10], vient donner un cadre de négociation entre la TCRI et le ministère de l’Immigration. Jusque-là, il n’y avait ni cadre, ni financement récurrent, ni reconnaissance, les décisions se prenaient en fonction des humeurs politiques, l’absence de règles laissant place au chantage, à l’arbitraire et à l’ingérence. Face à cette nouvelle politique gouvernementale, le ministère de l’Immigration, comme Emploi-Québec, essaie de se soustraire à cette politique gouvernementale, invoquant un cadre de financement particulier étant donné l’Accord Canada-Québec sur l’immigration. Mais la TCRI tient son bout avec des appuis politiques et une mobilisation de ses membres, elle obtient une pleine reconnaissance comme regroupement national et un financement stable au soutien à sa mission de défense collective des droits par le ministère de l’Immigration qui cède à la pression, grâce entre autres au soutien du Secrétariat à l’action communautaire autonome. Malgré les réticences de certains fonctionnaires du ministère, un programme de financement de Soutien à la mission pour les organismes rattachés au ministère de l’immigration est instauré et pérennisé. Il s'agit d'une victoire sans précédent pour le secteur.

Les années qui suivent cette reconnaissance peuvent être qualifiées d’année de développement et de consolidation pour la TCRI et le secteur. Avec la protection de leur regroupement et des nouvelles ententes, les membres de la TCRI peuvent enfin s’atteler, sans avoir à craindre des représailles ou de l'intimidation de leur bailleur de fonds, aux nombreux obstacles et défis que vivent les personnes réfugiées et immigrantes dans leur intégration et leur cheminement vers une citoyenneté pleine et entière.

Après les attentats du 11 septembre 2001, la suspicion règne. L’immigration est sur la sellette. Les personnes issues du Maghreb sont  ostracisées. Des immigrants indépendants, sélectionnés pour leurs compétences, sont perçus comme des menaces potentielles ou comme des personnes qui ne s’intègreront jamais. Cette perception n’est certes pas généralisée mais marque un tournant pour le secteur.

Les réactions aux prises de position de l’ADQ et du maire d’Hérouxville s’ajoutent au « virage » de l’opinion publique vis-à-vis de l’immigration. Dans la synergie de cette émergence d’un discours anti-immigrants devenu politiquement correct, la commission Bouchard Taylor en 2008 constitue une tentative de combler le fossé révélé entre « nous autres» et « eux autres ». Les prises de paroles occasionnées par la commission révèlent que la société québécoise est tiraillée entre deux tendances opposées. On assiste en effet successivement à des poussés de racisme et d’islamophobie et à des témoignages de reconnaissance et d’ouverture vis à vis des personnes immigrantes. La TCRI réagit en présentant un mémoire qui confirme son rôle de défenseur des droits des personnes réfugiées et immigrantes. Le gouvernement libéral ne retiendra que très peu des recommandations de la Commission.

Dans le même sens, l’année 2013 sera marquée par la controverse entourant le projet de loi sur une charte des valeurs. Les craintes exprimées par la TCRI face aux risques de dérapage d’une telle démarche se révèleront malheureusement fondées. Les nombreux propos anti-immigrants et racistes entendus tout au long de ce débat sont forts préoccupants. La TCRI se positionnera dans un mémoire déposé à la Commission parlementaire sur les institutions afin de faire valoir les défis que vivent les personnes réfugiées et immigrantes dans leur processus d’intégration, au-delà des défis reliés aux faits religieux ou de laïcité.

La réforme fédérale de l'immigration à partir de 2010 tissée à coup de projets de loi successifs mobilise avec force la TCRI et l’ensemble des organismes à travers le Canada. Elle constitue un recul pour le droit des réfugiés et des immigrants avec comme impacts une précarisation de la situation des immigrants et une racialisation encore plus importante de la pauvreté.  

Une résistance à nourrir pour garder le cap

Les recherches sur l’intégration des nouveaux arrivants confirment, si besoin était, que ces derniers sont loin d’accéder à une citoyenneté pleine et entière dans des délais raisonnables. Globalement, les nouveaux immigrants au Québec affichent un taux de chômage 3 fois supérieur à celui des natifs.[11] Un immigrant peut espérer retrouver un niveau de vie correspondant à celui des natifs après vingt ans d’établissement.[12] Les écarts de revenus entre les immigrants et les natifs sont démesurés et ont tendance à se creuser.[13] Les immigrants sont surreprésentés chez les bénéficiaires de l’aide sociale.[14] La racialisation de la pauvreté est depuis plusieurs années un phénomène bien réel qui va en s’accroissant.[15] On sait aussi que certains groupes spécifiques, notamment racisés, sont plus pénalisés que d’autres. Notons également que pour les femmes immigrantes, qui représentent près de la moitié du flux migratoire annuel du Québec, il faut toujours ajouter un coefficient négatif à ces données. Pour la TCRI, garder le cap veut dire ne jamais perdre de vue le droit à une pleine et entière citoyenneté des personnes immigrantes et réfugiées et poursuivre les luttes dans ce sens pour tous les secteurs (santé, éducation, emploi, etc.).

Du coté des organismes communautaires autonomes du secteur de l’immigration et de l’intégration, garder le cap veut aussi dire nager à contre-courant qui amène bon nombre d’acteurs dont le gouvernement, à considérer la personne immigrante comme une marchandise, un investissement qui doit être rentable. Cela veut aussi dire résister aux pressions des bailleurs de fonds qui menacent l’autonomie des organismes en cherchant à les transformer en sous-traitants. Il est essentiel d’évaluer les risques et de se demander constamment et honnêtement si nous sommes encore fidèles à nos missions premières de défense de droits et d’expérimentation de pratiques alternatives en termes de services et de transformation sociale. Dans le contexte actuel, des questions cruciales se posent : Comment s’assurer que les organismes représentés par la TCRI gardent le cap? Quelle place faisons-nous aux personnes réfugiées et immigrantes elles-mêmes dans nos organismes et dans les luttes menées pour la défense de leurs droits ou comment relever le défi de la démocratisation au sein même de la TCRI?

Depuis quelques années, la TCRI a entrepris une démarche de réappropriation par ses membres des 3 éléments de positionnement qui fédèrent les organismes du regroupement : l’appartenance à l’action communautaire autonome, l’adhésion à l’approche interculturelle en matière d’intégration et le rôle d’agent de transformation sociale.

Concernant son appartenance à l’action communautaire autonome et la défense de l’autonomie des organismes, l’enjeu est de sauvegarder nos façons de faire, de leur permettre d’évoluer à un rythme naturel, de résister aux pressions visant à modifier notre mode d’organisation selon des plans conçus par d’autres. En 2011, le ministère de l’Immigration a initié un processus de certification visant les organismes financés dans le cadre du Programme Réussir l’intégration et du Programme de soutien à la mission. Très critiques quant à la proposition du ministère, les organismes ont mandaté la TCRI pour faire une étude approfondie des enjeux, des fondements et de l’impact de la  certification telle qu’exigée. La démarche participative de l’étude entreprise et les échanges avec d’autres regroupements communautaires ayant vécu des expériences similaires, a permis de dégager des recommandations pour transformer la contrainte de la certification en opportunité de reconnaissance et de renégocier avec le ministère un processus respectant l’autonomie des organismes. Un accord a été conclu en 2014

L’approche interculturelle mise en œuvre dans les organismes de la TCRI implique une adaptation réciproque des personnes immigrantes et de la société d’accueil. Au fil du temps, le gouvernement a multiplié avec ardeur la production de guides, de dépliants, de sites web et de sessions d’information virtuelle (SIEL, FIEL) de tout ordre à l’attention des nouveaux immigrants.  Le Québec a même imposé à chaque nouvel immigrant la signature d’une déclaration d’adhésion aux six valeurs fondamentales québécoises. Il a intensifié les mesures de francisation, sans trop se préoccuper de l’intégration sociale et culturelle. Il n’est certes pas inutile, ni mauvais d’informer les nouveaux arrivants sur ce qui les attend au Québec ou de les franciser mais où en est-on avec la bidirectionnalité, l’interaction chère au modèle québécois interculturel? Comment s’articulent la responsabilité et les actions à mener par la société d’accueil pour inclure ces nouveaux arrivants? Quelles ont été les initiatives ou les mesures mises de l’avant auprès de la société d’accueil afin de préparer le Québec aux changements sociétaux et culturels qu’engendre l’immigration ? Malheureusement l’effort de ce côté a été marginal, durant les dernières décennies. Et la bataille pour la reconnaissance du support que peuvent apporter les acteurs communautaires autonomes du secteur de l’immigration à cet égard reste à gagner.

Enfin le troisième élément de positionnement, notre rôle en ce qui a trait à la transformation sociale est étroitement relié au modèle d’intégration interculturel. L’enjeu est de résister aux pressions très fortes des gouvernements et autres bailleurs de fonds qui recherchent des sous-traitants complaisants pour poursuivre nos efforts et contribuer à forger une société québécoise plus inclusive. À cet égard, de concert avec ses partenaires canadiens, la TCRI continue à être très vigilante et à participer aux débats en lien avec les lois fédérales relatives aux droits des réfugiés. Comme membre du CCR, la TCRI est solidaire des prises de position du CCR, maintenant une pression pour que notamment le Québec fasse des efforts. À un autre niveau, la collaboration des organismes communautaires autonomes de l’immigration avec les institutions et les autres organisations communautaires contribue significativement à favoriser l’adaptation des services et pratiques de ces acteurs et ainsi à transformer la société québécoise vers plus d’inclusion.

L’avenir dira dans quelle mesure la résistance entêtée et la capacité d’innover des organismes communautaires autonomes du secteur de l’immigration et de l’intégration permettront de contribuer à la construction d’un Québec plus inclusif.   

  == Principales réalisations/événements marquants ==

Des gains indéniables, fruits des luttes collectives …

Il est intéressant de noter que les moments où les pressions gouvernementales ont été les plus fortes pour faire disparaitre ou pour contraindre la TCRI et ses membres ont été ceux où la mobilisation et la solidarité ont été les plus fortes et les plus spontanées. Autrement dit, « ce qui ne nous a pas tués, nous a renforcé comme regroupement ». Peu à peu, les organismes qui continuaient de fonctionner de manière isolée et qui ne croyaient pas trop à la nécessité de se regrouper ont vu qu’en créant un rapport de forces important – ce que le regroupement a réussi à realiser – on pouvait faire avancer des causes. Et la TCRI a obtenu beaucoup de choses en termes d’acquis pour les personnes réfugiées et immigrantes. Les luttes collectives menées au fil du temps ont permis des gains à trois niveaux : la défense des droits et un plus grand accès aux services pour les personnes réfugiées et immigrantes, la reconnaissance des organismes communautaires autonome du secteur de l’immigration et du potentiel de transformation sociale qu’ils représentent, le maintien de la capacité des organismes à inventer des façons de faire alternatives porteuses d’inclusion. Des exemples de gains à chacun de ces niveaux sont donnés dans les encadrés.

Exemples de gains en défenses des droits

  • Le parrainage des conjoints est passé de 10 ans à 3 ans en 1995 suite au front commun de la TCRI avec les groupes de femmes lors de la marche Des pains et des roses.
  • L’admissibilité aux programmes d’intégration pour les nouveaux arrivants est passée de 1 an, à 18 mois, à 3 ans puis à 5 ans entre 1992 à 1998.
  • L’accès partiel à la francisation pour les demandeurs d’asile et certains services d’accompagnement, notamment pour le logement
  • Le retrait en 2002 du projet de loi visant à ne plus reconnaître aucun permis de conduire étrangers excepté avec cinq pays ayant un accord avec le Québec.
  • L’admissibilité aux soins de santé des enfants canadiens nés de parents en attente de statut
  • La bataille contre la reddition de comptes nominative relative aux ententes de services financée par le ministère de l’Immigration a été gagnée.
  • L’obtention de l’accès aux études et aux prêts et bourses pour les réfugiés acceptés en attente de résidence permanente (peut durer deux ou trois ans et touche beaucoup les femmes).
  • Une plus grande transparence dans le transfert des fonds de l’Accord Canada Québec du fédéral au provincial est maintenant de mise.
  • L’instauration en 2013, d’un bilan de santé pour tous les réfugiés pris en charge par l’État ou parrainés

Reconnaissance des organismes communautaires autonomes du secteur de l’immigration

  • La reconnaissance en 2001 de la TCRI comme regroupement national des organismes en immigration et intégration par le gouvernement du Québec
  • Financement annuel des programmes dédiés à l’action communautaire par le ministère de l’Immgration passant de 9,2 M $ à 18 M $ en 15 ans

Maintien de la capacité des organismes à inventer des façons de faire porteuses d’inclusion

  • La TCRI est doté d’un programme de formation évolutif, ancré sur les problématiques et les pratiques en temps réel. Ce programme contribue très significativement à sa renommée comme expert en immigration et lui permet de consolider l'expertise de ses membres.
  • Mise sur pied (en 1998) d’un programme de stage rémunéré pour les nouveaux arrivants qui deviendra le programme PRIIME (en collaboration avec le CAMO-PI)
  • L’organisation des premiers États généraux sur les femmes immigrées et racisées au Québec en 2012

Nombreuses publications et rapports de recherche …

Membres, instances ou structures et représentations

Regroupement national

Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrées (TCRI)

Principales sources de financement


Voir aussi

Site web de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrées (TCRI)

Références


Références complémentaires

Gouvernement du Québec. Accord Canada Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains (Accord Gagnon-Tremblay-McDougall), 5 février 1991

Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration : Au Québec - Pour bâtir ensemble, Gouvernement du Québec, 1990. 104 pages.

Stephan Reichhold (2013). Nos bons coups fruits d’une solidarité et d’une mobilisation collective. Quelques exemples de gains au fil du temps.  Conférence donnée dans le cadre de l’assemblée générale spéciale de la TCRI du 3 décembre 2013.

TCMR (janvier 1992). Document de réflexion des organismes au service des nouveaux arrivants relatif aux nouveaux arrivants relatif aux nouveaux programmes d’aide financière. Présenté à Madame Monique Gagnon-Tremblay, Ministre des communautés culturelles et de l’immigration du Québec. 13 pages.

TCMR (octobre 1993). Les réfugiés en attente de statut. Dossier de prise de position. 91 pages.

TCRI (2005) Cap sur l’intégration. Notre vision sur l’intégration des personnes réfugiées et immigrantes.

Dix ans de lutte pour la reconnaissance, Le Comité aviseur de l’action communautaire autonome, Montréal, 2006.

TCRI (décembre 2013). Mémoire présenté dans le cadre de la consultation du gouvernement du Québec sur le projet de loi no 60 : Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement. 16 pages.

TCRI (octobre 2007). Pour des accommodements réciproques. Mémoire présenté dans le cadre de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles. 26 pages.

Stephan Reichhold (2011). Où en sommes-nous après 20 ans d’interculturalisme au Québec. Contribution au chapitre 6 L’inclusion économique et sociale. Actes du symposium international sur l’interculturalisme. Dialogue Québec-Europe. Montréal du 25 au 27 mai 2011. 12 pages.·        

Rivka Augenfeld (2009). 25 années de solidarité, de soutien et de défense des personnes réfugiées et immigrantes. Allocution donnée dans le cadre des 25 ans de la TCRI. MICC (Juin 2013). La francisation et l’intégration des personnes réfugiées prises en charge par l’État. Aide-mémoire. 20

pages.
  1. Le parrainage collectif permettait à l’époque à un organisation ou un groupe de 5 personnes créé dans ce but de manifester concrètement leur solidarité à l’égard de personnes en situation de détresse à l’étranger, en s’engageant à faciliter leur intégration au Québec et à subvenir à leurs besoins pendant un an.
  2. Les organismes existants déjà en 1979 comme le Centre social d’aide aux immigrants (CSAI), le Service à la famille chinoise, les services canadiens d’assistance aux immigrants juifs (JIAS) ou encore la Maison internationale de la rive-sud (MIRS) ne peuvent répondre à une telle demande. D’autres organismes sont créés cette année-là, comme La Maisonnée ou encore l’Hirondelle.
  3. The Gazette, 14 octobre, 1981.
  4. Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration : Au Québec - Pour bâtir ensemble, Gouvernement du Québec, 1990 ; http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/ministere/Enonce-politique-immigration-integration-Quebec1991.pdf
  5. Accord Canada Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, 5 février 1991 http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/divers/Accord-canada-quebec-immigration-francais.pdf
  6. Le Québec a reçu en 2015 environ 345 millions $ du Fédéral en guise de compensation dans le cadre de cet accord (versus 75 millions en 1991) destinés aux mesures d’intégration des nouveaux arrivants.
  7. PAEI : Programme d’accueil et d’établissement des immigrants ; PSIE : Programme de soutien à l’insertion en emploi
  8. À cette époque, la TCMR voit sa subvention réduite de 20 000 $, l’équipe décide d’elle-même d’une réduction salariale afin que nul ne perde son emploi.
  9. Le Comité aviseur de l’action communautaire autonome, Dix ans de lutte pour la reconnaissance, Montréal, 2006.
  10. L’action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec, Gouvernement du Québec, 2001 http://www.mess.gouv.qc.ca/sacais/action-communautaire/politique-reconnaissance-soutien.asp
  11. Institut de la statistique du Québec, 2009. Le taux de chômage des immigrants de moins de 5 ans est de 22.4% comparativement à un taux de 7.6% pour les natifs.
  12. Statistique Canada, Recensement de 2006. Les nouveaux immigrants ont un taux de faible revenu après impôt se situant à 34,1 % comparativement à un taux de 9.7% pour les personnes nées au Canada.
  13. Statistique Canada, recensement 2006. L’écart de revenu annuel médian entre les non-immigrants et les immigrants était de 3 721$ en 2001 et de 5 856$ en 2005.
  14. Statistique Canada, Recensement 2001. Les personnes de 15 ans et plus nées hors Canada représentaient 33.1% de la population montréalaise et 52% des prestataires de l’aide sociale.
  15. Anderson, Johan, Conseil canadien de développement social, 2005, Recensement 2001. À Montréal, le taux de pauvreté des minorités visibles était de 46% et de 24% pour le reste de population.