Développement communautaire (Secteur)

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Le secteur développement communautaire regroupe essentiellement une soixantaine de corporations de développement communautaire (CDC) qui sont présentes dans 14 régions administratives du Québec. Ces organisations sont des regroupements multisectoriels qui rassemblent à l’échelle locale des organismes communautaires œuvrant dans divers champs d’activité. Au total, elles regroupent plus de 2 500 organismes communautaires qui proviennent tant de milieux ruraux que urbains.[1]

Les CDC ont pour mission d'assurer la participation active du mouvement populaire et communautaire au développement socioéconomique de leur milieu. L’intervention des CDC se déploie en fonction des dix mandats qu’elles se sont fixés dans leur cadre d’intervention, soit : la concertation, l’information, la formation, le soutien et les services aux membres, le soutien à l’économie sociale et solidaire, la consolidation et le développement communautaire, la promotion, les représentations, le travail en partenariat et la recherche.[2] En définitive, l’intervention des CDC s’inscrit dans des actions de liaison, d’influence, de collaboration ainsi que dans un travail politique et d’interface :

  • au sens où elles défendent le bien commun, dans une perspective de justice sociale;

La TNCDC a pour mission de regrouper les CDC du Québec et de les soutenir dans leurs objectifs. De plus, elle promeut la place incontournable qu’occupe le mouvement communautaire autonome dans le développement local, et ce, dans une perspective de justice sociale et de développement global et durable de notre société.

Il est à noter que la TNCDC est reconnue comme l’interlocuteur privilégié en lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale ainsi qu’en développement local dans une perspective sociale par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS).[1]

Historique

Au milieu des années 1980, des femmes qui voulaient développer une garderie en milieu de travail, ont sollicité la Corporation de développement communautaire (CDC) des Bois-Francs qui « a organisé des rencontres de concertation de tous les services de garde » du coin pour « s’assurer d’un développement cohérent dans ce secteur et d’une entraide entre les différents groupes ».[1] Cette démarche illustre comment l’action communautaire autonome s’est engagée dans le développement local, d’abord en renforçant l’action communautaire autonome comme contribution au développement social. Dans l’effervescence des années 1980, les organismes communautaires ont souvent été les initiateurs de telles démarches de concertation. Ils se sont aussi rapidement donnés les moyens de coordonner leurs efforts sur le front du développement local, notamment en se fédérant localement en CDC.

L’émergence d’un modèle d’action territoriale

Le modèle CDC, inspiré d’expériences américaines, a vu le jour à Victoriaville où la CDC des Bois-Francs (CDCBF) a été constituée en juin 1984 dans le but de faire reconnaître par les acteurs locaux les résultats d’une quinzaine d’années d’action communautaire autonome dans cette collectivité.[1] Lors du Sommet socioéconomique organisé par le Conseil régional de développement de la Mauricie, le milieu communautaire victoriavillois a présenté la CDC comme projet pilote à l’Office de planification et de développement du Québec et obtenu un financement sur trois ans. L’expérience de la CDCBF qui alliait le soutien aux groupes communautaires et l’inscription de leur action dans le développement local, a culminé avec l’organisation, en octobre1986, du colloque Fais-moi signe de changement ! L’événement a réuni à Victoriaville plus de 400 personnes du milieu communautaire, mais aussi du milieu syndical et des CLSC. Il a marqué un moment clé en développement des communautés.

Au cours des cinq années qui ont suivi, une dizaine de CDC se sont constituées à Drummondville (1986) ; Sorel-Tracy et Thetford Mines (1987) ; Longueuil (1989) ; Buckingham (1990) ; Lac Mégantic, Cowansville et Saguenay (1991). Une série de rencontres des nouvelles CDC ont lieu au cours de l’année 1992 pour échanger de l’information, discuter du modèle et des contraintes rencontrées en termes de financement. La 6e rencontre en mai 1993, a permis aux CDC de se donner une « appellation contrôlée » et d’ébaucher, avec l’aide de Bill Ninacs, un cadre de référence qui sera adopté en octobre suivant lors d’une rencontre à Jonquière.[3] C’est finalement en 1996 que la Table nationale des CDC (TNCDC) se donne une personnalité légale, qu’un accord de financement est conclu avec le Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives sociales (SACAIS) et qu’est reconnue la Politique d’accréditation et d’accompagnement qui lui permet de réserver la dénomination de CDC aux organisations qui correspondent à ses principes.

Avec, entre autres, la création des CDC, les organismes communautaires s’inscrivent dans le courant de fond du développement local qui prend forme au Québec au cours des années 1980. Cette décennie marquée par la fin des “Trente glorieuses”, ces années de croissance et de développement de l’État social, et par une crise majeure de l’occupation du territoire. Les collectivités locales subissent l’impact des délocalisations d’entreprises et de la crise des finances publiques qui grèvent la création de nouveaux services publics. Les modèles de développement des territoires locaux entrent en crise. Les collectivités locales et les régions se mobilisent et contribuent à la montée du développement local comme mouvement social.[4] Elles revendiquent un soutien public pour prendre en charge aux plans local et régional les problématiques pour lesquelles l’État n’est plus en mesure d’agir en chef de file. Cette mobilisation ouvre une période au cours de laquelle vont se négocier un ensemble de programmes qui reposent sur la concertation des acteurs locaux. Le gouvernement canadien lance en 1983 le Programme de développement des collectivités (PDC) qui permet la création au Québec des 67 organismes actuellement regroupés dans le Réseau des sociétés d’aide au développement des collectivités et des centres d’aide aux entreprises. En région métropolitaine ce sont les corporations de développement économique communautaire (CDEC) qui voient le jour grâce à un soutien conjoint du PDC, de Québec et de la Ville de Montréal. La première CDEC est mise sur pied dans le Sud-Ouest de Montréal en 1984.

Le modèle québécois de concertation territoriale pour le développement se renforce entre 1994 et 2000 grâce à l’action des mouvements syndical et féministe et à la réponse de l’État. On assiste à la création en 1997 des centres locaux de développement (CLD), à l’adoption en 2001 de la politique de reconnaissance de l’action communautaire comme contribution au développement social du Québec[5] et la création en 1997 du Chantier de l’économie sociale qui consacre l’économie sociale comme composante de l’économie québécoise. Ce modèle québécois[6] repose sur une structure économique plurielle alliant les secteurs privé, public et d’économie sociale[7], une gouvernance territoriale participative fondée sur la concertation[8] et la coconstruction de politiques publiques majeures[9] comme, par exemple, les centres de la petite enfance (CPE), la Politique nationale de la ruralité (PNR), la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, etc. Dans toutes ces initiatives, l’action communautaire a été un acteur contributif à l’innovation sociale.

L’action communautaire et les territoires

« Lorsqu’on demande aux groupes communautaires de délimiter le territoire couvert par leurs activités […], c’est l’échelle de la MRC qui ressort majoritairement ».[10] Ce constat n’est pas très étonnant si on considère que presque tous ont « vu le jour après le tournant des années 1980, alors que les pratiques de développement territorial et socioéconomique ont changé d’orientations pour mettre davantage l’accent sur les potentiels locaux, sur la concertation et le partenariat privé-public ».[10] 97 % des groupes déclarent avoir des collaborations avec d’autres groupes communautaires[11] (TNCDC, 2002 : 2) et 45 % « avec des organismes considérés comme ayant une fonction de développement local et/ou régional ».[10] Menée en 2002 avec la collaboration de la TNCDC, l’enquête dont sont tirées ces données, amène les auteurs à la conclusion que les groupes communautaires apportent « une certaine dynamisation à la société civile locale dans la mesure où ils structurent des réseaux et mobilisent des ressources, assurent des services et injectent localement des fonds, surtout au profit des plus démunis de la société ».[10] Au-delà de leur apport économique, le fait qu’ils « réussissent à mobiliser un grand nombre de citoyens »[10] confirme leur rôle quant à la participation citoyenne et à la vie démocratique locale.

Les 58 CDC membres de la Table nationale soutiennent cet ancrage communautaire local et agissent comme organismes de liaison du milieu avec les autres acteurs locaux – institutions de santé et services sociaux, établissements d’éducation, entreprises et organismes de développement. Les coordinations des CDC sont connues et reconnues dans leur milieu. Certaines situations entraînent parfois des rapports conflictuels avec les pouvoirs locaux, mais en règle générale la proximité du milieu communautaire avec la population constitue un atout majeur pour les projets de développement local.

En termes de dynamique interne, une « CDC ne possède pas et ne souhaite pas posséder les pouvoirs hiérarchiques d’une fédération […] le contrôle absolu de toutes les instances doit demeurer entre les mains des organisations d’action communautaire autonome ».[12] Les groupes membres demeurent responsables de leur propre enracinement local et sont en tout temps en mesure d’influencer leur CDC quant à son action locale. En retour, les CDC ont la responsabilité d’amener le milieu communautaire à « une vision globale du développement » qui permette aux groupes d’inscrire leur action auprès de populations appauvries ou exclues dans une approche qui prend en compte le « contexte économique, politique, social, culturel et environnemental dans lequel les gens vivent ».[12] Elles ont donc la tâche de créer des occasions d’éducation populaire pour que les groupes « dépassent les préoccupations spécifiques »[12] dans lesquelles ils sont plongés au quotidien. La conjoncture québécoise actuelle donne à cette responsabilité une forte actualité.

La nouvelle conjoncture de l’action communautaire territoriale au Québec

Quelques situations caractéristiques de la situation de l’action communautaire en 2016 :

  • Les organismes communautaires et les entreprises d’économie sociale regroupent un nombre nettement plus élevé de personnes qu’il y a trente ou quarante ans.
  • Les réseaux sociaux et les facilités d’accès à l’information ont décuplé les capacités de mise en réseau des personnes.
  • De nouvelles actions de mobilisation émergent autour de l’environnement, de la circulation du pétrole, de la reconnaissance des populations autochtones, etc.

Les communautés locales changent :

  • Le vieillissement de la population présente de nouveaux défis tout en offrant aussi de nouvelles possibilités avec une génération qui arrive à la retraite instruite et en santé.
  • L’immigration crée un choc de cultures, mais les nouveaux arrivants constituent aussi une occasion d’enrichir la culture québécoise qui s’est, à diverses époques, façonnée par de nombreux métissages.
  • Les communautés ont un héritage historique – souvent méconnu – et des atouts avec lesquels elles peuvent composer pour se donner des projets.
  • Les organismes communautaires ont un héritage d’éducation populaire autonome à offrir aux communautés locales.

Le contexte politique de l’action communautaire sur le territoire a été modifié :

  • Sur le plan des politiques de soutien à l’occupation du territoire, le gouvernement du Parti Libéral du Québec (PLQ) a entrepris de profondes transformations institutionnelles : fin des conférences régionales des élus (CRÉ), de la Politique nationale de la ruralité et des programmes de soutien aux territoires dévitalisés. Il a remis aux MRC le contrôle du développement local, de l’existence des CLD (près de la moitié ont été abolis) et du Fonds de développement des territoires doté de la moitié des contributions antérieures, etc.
  • Les politiques et les programmes qui favorisaient la participation citoyenne et le développement des territoires ont pratiquement disparu avec l’abolition de la participation de citoyennes et citoyens aux conseils d’administration des établissements de santé et de services sociaux et des CLD.
  • Les mesures budgétaires axées sur le retour à l’équilibre au moyen de restrictions dans les dépenses publiques diminuent considérablement l’apport de ressources publiques aux territoires locaux et la pression sur les services publics ouvre la porte à leur privatisation.
  • Le gouvernement québécois considère les MRC et les municipalités comme des gouvernements locaux et reconnaît aux élus municipaux la responsabilité du développement du territoire :
    • Ils sont donc des partenaires qui contrôlent l’accès aux ressources publiques destinées au développement ;
    • Ce sont des personnes soucieuses de répondre aux attentes de leur population, qui préfèrent les actions dont les retombées sont le plus large possible;
    • Comme ils n’occupent en général pas leur poste à temps complet, ils doivent mesurer comment ils investissent leur temps;
    • Plusieurs sont moins familiers avec les démarches de développement et peu favorables aux lenteurs des concertations.

Intervenir sur la base du territoire exige de faire reconnaître par les élus les compétences et leaderships des organismes communautaires.

L’action communautaire a progressé suite à l’adoption de la politique nationale de reconnaissance en 2001. Elle s’est aussi institutionnalisée :

  • Les groupes se reconnaissent davantage autour des thèmes qui constituent leur champ d’action et pour lesquels ils sont reconnus et financés ;
  • Ils sont souvent placés en situation de compétition pour un financement qui arrive de plus en plus par projets ;
  • Leur grande diversité représente un potentiel de résilience, mais est aussi une source de difficultés pour développer un leadership unitaire sur une base territoriale (locale, régionale, nationale).
  • Le territoire offre l’occasion de bâtir des solidarités à la base qui donnent une force d’innovation et de mobilisation.

Principales réalisations/événements marquants

À compléter...

Membres, instances et structures

Regroupement national

Table nationale des Corporations de développement communautaire (TNCDC)

Principales sources de financement

Gouvernement provincial

Secrétariat à l'action communautaire et aux initiatives sociales (SACAIS)

Voir aussi

À compléter...

Références

  1. 1,0, 1,1, 1,2, 1,3 et 1,4 Les informations contenues dans cette section de l'article ont été fournies par la TNCDC, voir Lisa Gauthier (agente de développement).
  2. TNCDC, Cadre de référence des CDC, (Consulté le 17 mai 2016) [En ligne] http://www.tncdc.com/medias/u/44/doc/Cadre%20de%20r%C3%A9f%C3%A9rence%20-%20TNCDC.pdf.
  3. Lucie Chagnon, Étude de cas de la CDC Rond Point : le développement local et les Corporations de Développement Communautaire au Québec, Mémoire de maîtrise, Cahiers du CRISES TM9501, 1995, 119p.
  4. Bernard Vachon, Le développement local. Théorie et pratique. Réintroduire l’humain dans la logique du développement, Boucherville : Gaëtan Morin Éditeur, 1993, 331p.
  5. Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, L’action communautaire, une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté au développement social du Québec, Politique gouvernementale, septembre 2001, 53p.
  6. Gilles L. Bourque, Le modèle québécois de développement. De l’émergence au renouvellement, Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec, 2000, 235p.
  7. Benoît Lévesque, « La contribution de la “nouvelle sociologie économique” à l’analyse des territoires sous l’angle de l’économie plurielle », in Lévesque, Benoît, Jean-Marc Fontan et Juan-Luis Klein (sous la direction de), L’innovation sociale. Les marches d’une construction théorique et pratique, Québec : Presses de l’Université du Québec, 2014, p.245-265.
  8. Denis Bourque, Concertation et partenariat. Entre levier et piège du développement des communautés, Québec : Presses de l’Université du Québec, 2008, 142p.
  9. Yves Vaillancourt, Note de recherche sur l’apport de l’économie sociale et solidaire dans la co-construction démocratique des politiques publiques : réflexions ancrées dans des expériences canadiennes, québécoises et latino-américaines, Copublication CRISES et LAREPPS, UQÀM, Le Cahiers du CRISES – Collection Études théoriques ET1406, 2014, 69p.
  10. 10,0, 10,1, 10,2, 10,3 et 10,4 Klein, Juan-Luis, Carole Tardif, Marielle Tremblay et Pierre-André Tremblay, La place du communautaire : Évaluation de la contribution locale des organisations communautaires, Cahiers de l’ARUC-ÉS R-07-2004, Juin 2004, 115p.
  11. Table nationale des Corporations de développement communautaire (TNCDC), Les organismes communautaires autonomes du Québec. Bâtisseurs de solidarités !, 2002, 10p.
  12. 12,0, 12,1 et 12,2 Table nationale des Corporations de développement communautaire (TNCDC), Cadre de référence, 2012, 5p. (Consulté le 16 mai 2016) [En ligne] http://www.tncdc.com/medias/u/44/doc/Cadre%20de%20référence%20-%20TNCDC.pdf