Défense collective des droits (Secteur)

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Le secteur défense collective des droits rassemble un peu plus de 320 organismes communautaires autonomes dont la mission unique ou principale est la défense de droits socio-économiques.[1] En plus de souscrire aux huit critères de l’action communautaire autonome, ils doivent répondre à quatre critères supplémentaires, c’est-à-dire qu’ils doivent faire de l’éducation populaire autonome, de la représentation, de la mobilisation sociale et de l’action politique non-partisane.[2]

L’action des divers organismes de défense collective des droits se déploie à travers différents secteurs d’intervention, notamment :

  • Aide sociale
  • Communauté LGBT
  • Environnement
  • Personnes handicapées
  • Autres (santé, communautés culturelles, victimes d’actes criminels, familles, justice et droits, développement communautaire)
  • Aîné-e-s
  • Consommation
  • Femmes
  • Travail
  • Assurance-Emploi
  • Éducation populaire
  • Logement
  • Transport

Parmi les organismes faisant partie du secteur défense collective des droits, on compte des groupes de base, des regroupements locaux ou régionaux ainsi que des organisations ou des regroupements nationaux.

Notons que 22 de ces regroupements nationaux ont choisi de se rassembler au sein du Regroupement des organismes en défense collective des droits (RODCD). Cette organisation a pour mission de revendiquer une plus grande reconnaissance et un meilleur financement des groupes en défense collective des droits. Le RODCD défend également les intérêts des groupes de défense collective des droits lors de rencontres avec les autorités politiques ou administratives du gouvernement.[1]

Historique:

Les origines du «mouvement» communautaire» contemporain se situent dans la foulée de la «Révolution tranquille», cette période de modernisation sociale et politique des années 60-70. Les premiers groupes de citoyens naissent en résistance aux projets d’urbanisation des centres-villes des grands centres québécois (Montréal, Québec, Trois-Rivières, Hull).[3] Par leurs méthodes, leur composition et leurs pratiques, ces premiers groupes se distinguent des organismes, souvent paroissiaux, déjà présents sur le terrain.

Les premiers groupes populaires portent une préoccupation importante de conscientisation et de mobilisation de la population.  Pour ce faire, ils développent des outils et des pratiques dont l’objectif explicite est la transformation ou l’amélioration des conditions de vie ou de travail du milieu populaire et ouvrier par des projets, activités et actions prises en charge par les personnes directement concernées.  L’approche s’appelle l’éducation populaire autonome (ÉPA)

S’inspirant de l’approche de l’ÉPA, et étant relativement politisés, les premiers groupes, composés de citoyen-n-es directement touché-e-s par les enjeux, s’opposent à la construction des autoroutes dans les quartiers populaires et à l’expropriation des logements pour la construction des tours à bureaux. Ils comprennent que leurs droits sont brimés afin de privilégier les besoins des spéculateurs fonciers.

La Révolution tranquille substitue, à l’Église évincée, l’État québécois. Celui-ci devient l’outil principal par lequel le Québec se modernise, se démocratise et met sur pied des services semblables à ceux offerts par les autres sociétés industrielles occidentales. Il se dote, ainsi, de réseaux universels pour dispenser des services d’éducation, de santé et de développement social accessibles à toute la population, indépendamment du lieu de résidence et des revenus de chacun. Pour réaliser ce vaste programme de modernisation et de répartition des richesses, le Québec se dote d’un appareil étatique qui est l’un des plus gros en Amérique du Nord.[4]

Des pas en avant…  

La Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par les Nations Unies en 1948, propose que les droits humains doivent être au cœur de l’action gouvernementale. Cette Déclaration est complétée par l’adoption de deux pactes des Nations Unies, soient le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC, 1966), et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP, 1966). Par ailleurs, le Québec – s’étant doté de sa propre Charte des droits et libertés en 1975 – adhère aux deux Pactes des Nations Unies en 1976. Tous les grands instruments des droits humains ont ceci en commun : ils émergent d’un environnement politique dominé par le keynésianisme. Ainsi comprises, les mesures de protection sociale universelles mises en place tant par le pouvoir public québécois que celui du Canada doivent être comprises comme une réponse de l’État à ses obligations en matière des droits humains.

Au Québec, ce sont les mouvements sociaux qui ont forcé l’État québécois à reconnaître ses obligations dans le domaine du social. L’universalité, la gratuité et le caractère public des services, en éducation, en santé et dans les services sociaux, découlent des revendications provenant des mouvements sociaux militants et mobilisés.  Ces programmes sociaux sont le fruit de revendications et de mobilisations, tant du mouvement ouvrier que du mouvement populaire et plus tard du mouvement féministe. Trente-cinq ans de luttes acharnées, menées par les groupes de locataires pour revendiquer des logements sociaux, permettent des progrès significatifs en matière de droit au logement. Les cliniques populaires de santé donnent naissance aux CLSC, les cliniques juridiques populaires à celle de l’Aide juridique et les garderies populaires au système public des Centres de la petite enfance (CPE). Les groupes d’accidentés du travail, de non-syndiqués et de chômeurs, de concert avec le milieu syndical, font avancer les droits touchant les conditions de travail, les conditions salariales et diverses indemnisations pour les travailleurs devant quitter leur emploi.

Suite aux campagnes successives des groupes de personnes assistées sociales et d’organismes anti pauvreté, des gains sont enregistrés dans les années 80: La Ville de Montréal abolit la taxe d’eau[5]  pour tous les résidents de Montréal, un jugement de la Cour supérieure est obtenu et confirme l’obligation pour l’«agent visiteur» (surnommé Boubou-Macoutes par la population), d’obtenir le consentement de la personne concernée avant d’effectuer une visite, un frein est mis aux atteintes aux droits des jeunes dans les programmes de soutien du revenu avec, en 1989, retour de la parité à l’aide sociale pour les moins de 30 ans[6] , le workfare de la réforme de 1995 n’est jamais mis en application.

La marche du pain et des roses  (1995), suivie de la première Marche mondiale des femmes (2000) sont des actions collectives organisées par le mouvement des femmes québécoises dans les années 90 qui placent au cœur du débat politique la lutte contre la pauvreté, la sécurité physique et le contrôle des femmes de leur corps.[7]

Des avancées significatives sont également enregistrées en faveur des droits à l’égalité des personnes ayant des limitations fonctionnelles, et ce, à la suite des campagnes menées par les organisations communautaires regroupant ces personnes : luttes pour l’accessibilité à l’emploi, pour l’inclusion scolaire, pour l’accessibilité universelle des lieux et des services, etc. La lutte des organismes communautaires représentant la communauté LGBT oblige le Québec de se doter d’une politique contre l’homophobie (2011). 

… des pas en arrière

Alors que les droits économiques et sociaux au Québec (et au Canada) progressent durant la période de l’État keynésien, ils se fondent comme neige au soleil dans les années 1990 et 2000.[8] L’État keynésien, dit «dispensateur de grands programmes sociaux», s’estompe au profit d’un nouvel «État accompagnateur». Le néolibéralisme s’installe avec, pour conséquence, que la place accordée aux droits régresse, tant au provincial qu’au fédéral, et indépendamment du parti politique au pouvoir.

Trois réformes successives du régime d’aide sociale (1994, 2005, 2015) réduisent l’accès au programme selon l’aptitude au travail des demandeurs. Une myriade de programmes d’employabilité est instaurée. Les groupes de défense de droits, seuls et en coalition, dénoncent la catégorisation des prestataires selon leur aptitude au travail et revendiquent de vrais emplois et la couverture de celles-ci par les normes du travail.  De son côté, les groupes de défense des non-syndiqués revendiquent la modernisation des lois relatives au travail.  Celles-ci sont désuètes et couvrent de moins en moins de travailleurs précaires, notamment les travailleurs autonomes, des migrants qui travaillent en milieu agricole et les aides familiales.

De même, dans le but de réduire le déficit budgétaire, le gouvernement fédéral a entrepris des réformes de l’assurance chômage (1995, 1996, 2012). Celles-ci ont eu pour effet d’exclure des milliers de travailleurs à un régime auquel ils ont cependant cotisé; seulement 40% des chômeurs y ont accès présentement.  La résistance des groupes de chômeurs a donné naissance à plusieurs campagnes inusitées, dont la grande marche des chômeurs (2006), la campagne « Qui a volé l’argent des chômeurs » (2004) et « Le chômage, j’y ai droit » (2016).  

Les années 2000 ont également vu un mouvement de retrait progressif de l’État du domaine social. D’abord, le gouvernement fédéral opère des coupures draconiens dans les champs du logement, de l’alphabétisation et de la condition féminine. De même, le gouvernement du Québec amorce un mouvement de privatisation et de réorganisation dans le domaine du social qui se traduit par un appauvrissement généralisé de la population : l’itinérance augmente, la faim explose, l’emploi se précarise.  Les femmes sont davantage touchées que les hommes; les personnes immigrantes plus que la population de souche. Les fractures sociales apparaissent.

Le fruit de cette réorganisation – un recul important sur tous les fronts des droits économiques et sociaux de la population québécoise et canadienne. Le recul ne passe pas inaperçu sur le plan international.  L’Organisation des nations unies (ONU) condamnent à trois reprises (en 1998[9], 2006[10] et 2016) les gouvernements canadiens (tant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux) du rétrécissement important des droits économiques et sociaux dans les années 1990, 2000 et 2010. 

Malgré les reculs, les groupes résistent.  Dans le domaine du logement, des campagnes abondent.  «  Je déménage, je passe mon bail » des groupes de 'défense des locataires sensibilise et conscientise sur les coûts exorbitants du marché locatif; « La Régie du lentement » dénonce la lenteur des procédures lorsqu’il s’agit des demandes des locataires auprès de la Régie du logement. (https://regiedulentement.com/declaration)

Les groupes de défense des droits des femmes organisent annuellement des activités autour du 8 mars (Journée internationale des femmes) et du 6 décembre (pour commémorer le massacre à la Polytechnique de Montréal, la campagne « 12 jours d’action contre la violence faite aux femmes »).

D’ailleurs, plusieurs groupes de femmes et de défense des droits humains ont pris position contre le projet péquiste de la Charte des valeurs (2014-15), et ce, afin de revendiquer l’égalité de tous les citoyens, peu importe leur affiliation religieuse ou leur pays d’origine.

Du côté environnemental, les luttes s’intensifient. Le réchauffement climatique, la dépendance sur les hydrocarbures, la volonté d’exploiter les gaz de schiste et d’ouvrir le grand Nord suscitent des débats de fond. Quel Québec veut-on laisser aux générations futures?  De plus en plus, les groupes de défense de droits font un lien entre les enjeux environnementaux et le droit à la santé, le droit à l’eau et surtout les droits des Premières Nations. Dans ce contexte, les revendications touchant le droit au transport collectif prennent de l’ampleur.   

   === Des luttes plus larges === Le néolibéralisme met le monde à l’envers et place une bonne partie du mouvement communautaire sur la défensive. Au Québec, un discours idéologique, voulant que l’État ne puisse plus se permettre d’investir dans le social, sert à justifier le «déficit zéro».  Suivant le chemin emprunté par les néolibéraux d’ailleurs, l’État québécois restructure la manière de concevoir et d’offrir des services et des programmes : le nouvel État offre moins de services directs à la population, et les services publics restants sont moins accessibles et offerts moins largement. Cette tendance est dénoncée dans les années 90 par Solidarité populaire Québec qui mène une vaste consultation populaire sur le désengagement de l’État (1987).  Par la suite, SPQ propose La Charte d’un Québec populaire (1994), un projet de société endossé largement par le milieu populaire, féministe et syndical.

Pour contrer la déconstruction de l’État social, une partie du milieu communautaire des années 2000  s’organise différemment et se radicalise. La résistance au projet de réingénierie étatique du gouvernement Charest se solde par la création de Réseaux de vigilance (2004-2006) dans plusieurs régions du Québec.  Les groupes de défense de droit sont au cœur de ce mouvement.  De même, la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics (2009-2016) mène une lutte coriace contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard; les groupes de défense des droits en est le moteur.

La Politique de reconnaissance de l’action communautaire et la défense collective des droits

L’arrivée au pouvoir en 1994, du gouvernement de Jacques Parizeau marque le début d’une nouvelle ère dans l’histoire du communautaire au Québec.  En cours de la réorganisation de l’offre de service dans le domaine du social, le gouvernement du Québec ressent le besoin de clarifier ses liens avec le « tiers-secteur ».  A cette fin, il amorce les travaux visant à doter le Québec d’une politique formelle de reconnaissance.  L’Action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec (2001) s’avère la politique unique en Amérique du nord, dont une des retombées est la reconnaissance de la défense collective des droits (DCD).

En ce qui a trait à la défense collective des droits, retenons deux retombées majeures : une définition et un financement.  Car, dans la foulée de cette Politique, le gouvernement du Québec reconnaît et finance les organismes communautaires de défense collective des droits. Pour être reconnu, un organisme doit répondre aux huit critères de l’action communautaire autonome en plus de remplir les quatre critères de la défense collective des droits qui sont :

  1. Faire de l’analyse politique non-partisane des enjeux sociaux;
  2. Réaliser des activités d’éducation populaire;
  3. Organiser des activités de mobilisation sociale et;
  4. Effectuer des représentations auprès des décideurs politiques et administratifs.

Ces quatre critères ont été négociés entre le gouvernement et les groupes.  Dans sa Politique, le gouvernement reconnaît le rôle essentiel que ces groupes jouent dans la vie démocratique, dans les débats sociaux ainsi que dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Concernant le financement,reconnaissons d’emblée que la DCD est l'un des secteurs de l'action communautaire qui est le moins bien financé par le gouvernement québécois. Cependant, le simple fait que ce soit l’État qui finance sa propre critique fait des groupes en DCD un modèle d’intervention unique au monde. Par ailleurs, lors de la première rencontre nationale des regroupements en ACA (1996, c’est par un vote unanime et solidaire que les délégués demandent au gouvernement d’augmenter le soutien public du secteur DCD et de confier le financement au nouveau Secrétariat à l’action communautaire autonome (SACA).


Principales réalisations/événements marquants

À compléter...

Membres, instances ou structures et représentations

Regroupement national multisectoriel

Voir aussi

Pour aller plus loin

Principales sources de financement

La subvention du Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives sociales (SACAIS) constitue la principale source de financement des organismes en défense collective des droits.[2] En 2014-2015, 320 organismes en défense collective des droits étaient financés via le programme « Promotion des droits du SACAIS ». La subvention annuelle moyenne était de 53 457$ par organisme. Soulignons que 30 organismes sont en attente d’obtenir du financement gouvernemental à la mission globale via ce programme.

Les autres sources de financement sont Centraide, les communautés religieuses et les dons en provenance d’organisations syndicales, etc. Notons qu’il est difficile pour les organismes en défense collective des droits d’obtenir du financement privé compte tenu de la nature de leur mission.

Le tableau qui suit présente le financement moyen que les organismes en défense collective des droits ont reçus du SACAIS selon leur secteur d’intervention.[2]

Secteur (n-322)

Nombre

Financement moyen du SACAIS

Aîné-e-s

30

38 211 $

Communautés homosexuelles

7

57 999 $

Consommation

33

58 238 $

Éducation populaire

14

65 020 $

Environnement

5

56 716 $

Femmes

27

55 768 $

Habitation/logement

34

50 578 $

Personnes handicapées

54

70 868 $

Aide sociale

33

42 296 $

Assurance emploi

27

46 868 $

Travail

21

46 581 $

Transport

13

55 623 $

Autres

24

52 196 $

Références

  1. 1,0 et 1,1 RODCD, La défense collective des droits une approche unique au monde, (Consulté le 17 mai 2016) [En ligne] http://www.defensedesdroits.com/la-defense-collective-des-droits-cest/
  2. 2,0, 2,1 et 2,2 Ces informations proviennent de Marie-Hélène Arruda, coordonnatrice du RODCD.
  3. Un bon document visuel sur cette époque se trouve au http://www.frapru.qc.ca/wp-content/uploads/2013/11/13-00947-FRAPRU-Brochure-Album-35-ans_WEB.pdf.  Pour un descriptif de la situation à Hull, voir TROVEPO, La Petite histoire de la TROVEPO : 40 ans de luttes, 2013.  Disponible au www.trovepo.org/publications
  4. MÉPACQ, La localisation, la régionalisation… et la mondialisation (1997) au http://www.mepacq.qc.ca/wp-content/uploads/1997/12/Localisation-r%C3%A9gionalisation.pdf
  5. Organisation populaire des droits sociaux, "Historique de la lutte contre la taxe d'eau", L'OPDS En direct, 2003. (Consulté le 16 mai 2016) [En ligne] http://opdsrm.com/images/eau1.pdf.
  6. Voir: Naufragés des villes, L'affaire Gosselin, (Consulté le 16 mai 2016) [En ligne] http://naufrages.radio-canada.ca/place_publique_en_savoir_plus_article.aspx?id=20.
  7. Encyclopédie canadienne, Marche Du pain et des roses. (Consulté le 16 mai 2016) [En ligne] http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/marche-du-pain-et-des-roses/.
  8. LDL, Rapport sur les droits humains au Canada et au Québec, 2013.  Disponible au : http://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/rappot-droits-humains-web.pdf
  9. LDL, Le Canada et le Québec : au banc des accusés, 1998.  Disponible au :   http://bv.cdeacf.ca/EA_PDF/2004_12_0536.pdf
  10. LDL, Rapport social, 2006. (Consulté le 16 mai 2016) [En ligne]  http://liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/rap-2006-03-00-rapport_social.pdf